Le site de Boutavent

 

Extrait de "Glanes 55", revue de l'Ecomusée du Pays de Montfort :

Boutavent

Quelque 6000 ans d'histoire sous les pierres

  Le site de Boutavent se situe au sud de la commune d'Iffendic. Il constitue l'extrémité ouest du massif forestier de Paimpont. Oublié dans le patrimoine historique et archéologique de la forêt de Brocéliande, il figure pourtant sur les reproductions des cartes anciennes, avec une ancienne forteresse médiévale et un ensemble mégalithique important.
  Situé à 7 Km du bourg c'est aujourd'hui la commune d'Iffendic qui possède le site.

1 La forteresse médiévale

   Les 2 parcelles désignées au cadastre sous le toponyme Ancien Château de Boutavent, correspondent à l'ancienne forteresse bâtie sur un éperon rocheux, qui occupe une superficie d'environ un hectare. L'importance de ce château seigneuriale  est confirmé par les textes dès la fin du XIIème  siècle: il est d'usage de citer la rencontre entre le roi de France, Philippe Auguste, et le roi d'Angleterre, Jean Sans Terre, à propos du jeune Arthur. Le château a été occupé par les seigneurs de Montfort pendant près de 2 siècles. Il a été détruit dans la seconde moitié du XIVème siècle, au cours de la guerre d'usure conduite par le connétable Du Guesclin contre les Anglais. Les ruines qui sont parvenues jusqu'à nous datent en conséquence d'un peu plus de 6 siècles

1.1 Le donjon

  C 'est un donjon circulaire de 27 mètres de diamètre avec des murs de 2 mètres d'épaisseur. Il domine l'étang actuel d'une vingtaine  de mètres comme cela apparaît sur la carte IGN 1118 Ouest, sur le promontoire au Sud Est de la ville
L'intérieur du donjon est comblé par des éboulis. La végétation est luxuriante avec des sureaux, des aubépines, des ronces, des orties et des rumex qui indiquent la présence de beaucoup de matières détritiques. Cette zone est pratiquement impénétrable, ce qui contraste avec les landes desséchées voisines.

1.2 La douve Nord 

  Une douve profonde comblée par les éboulis, s'interrompt sur un schiste rouge taillé, au dessus de l'étang. Elle devait être approvisionnée  en eau depuis la prairie de La Noé Chapon, ce toponyme signalant la présence de sources.
  A la périphérie de cette douve, une levée importante domine le petit vallon taillé dans le schiste qui descend vers l'étang. Quelques beaux hêtres et chênes indiquent que la couche de matériaux est importante. Il s'agit certainement des vestiges d'une double enceinte face au donjon.
  En sortant vers l'Ouest, on laisse à gauche un ressaut au niveau duquel on serait- tenter de situé le pont-levis. A proximité subsistent, sur les plans cadastraux, des chemins communaux anormalement larges avec de grands dégagements.

1.3 L'enceinte et les habitations

  En arrière du donjon, les dégagements de végétations, effectués par des jeunes du canton sous l'égide du Ministère de la Jeunesse et des Sports (durant l'été 1998), matérialisent une enceinte et des bâtiments, avec des murs larges en pierres sèches, lesquelles se délitent facilement et résiste mal au piétinement.
  Des tours carrées construites de la même façon dominent la douve Sud. Ce mode de construction évoquent les anciennes forteresses, avec des murailles, suffisamment résistantes pour ne pas être ébranlées par les machines de guerres d'alors, avant l'arrivée de la poudre à canon.   

1.4 La douve Sud

  La douve Sud paraît taillée dans le roc, avec des parois lisses. Elle démarre du bas de l'étang pour aboutir sur des bancs de schistes dans une carrière.
  Des traces de talus ou murets, reposant sur les dalles de schistes rouge, sont visibles de l'autre côté, sur le rebord de la lande communale dite La Grande Landelle. Cette construction n'avait nullement un rôle agronomique mais constituait une 1er obstacle devant la douve.

1.5 Les autres défenses

   Les parois rocheuses qui dominent l'étang sont lissent, comme si toutes les aspérités naturelles avaient été rabotées. La roche compacte donne l'impression d'avoir été travaillée, pour interdire l'accès par cette voie au pied de l'enceinte, située sur le promontoire. On imagine mal un assaut du château à cet endroit depuis l'étang, vu l'importance des dénivelés.
    Enfin la tradition évoque l'existence d'un souterrain qui passerait sous l'étang pour sortir à La Métairie du Perray.  Plusieurs personnes déclarent avoir vu la dite sortie.

1.5.1 Jardins et vergers

   Au milieu des ruines et des landes, une prairie, bordée à l'Est par des murailles larges et encore hautes, à l'Ouest par un grand talus, désignée par le toponyme Le Paumery, a des allures de jardins. L'entrée au Sud est une brèche typique, bordée par un magnifique charme creux étêté d'un peu plus de quatre mètres de diamètre.
   Le Verger du Château est une prairie fertile, avec un sol profond habité par quelques blaireaux, au pied des murailles.

1.5.2 L'ancien moulin

   En contrebas de la digue, le ruisseau s'écoule dans un canal creusé dans le schiste briovérien verdâtre, en discordance à cet endroit sur les schistes et les poudingues pourprés de Montfort. L'aspect brut et anguleux des plaques de schiste et l’absence de surfaces lisses indiquent qu’il s’agit non pas d’une val­lée naturelle, mais d’une construction récente sans doute effectuée à l’époque médiévale. Le ruisseau longe ensuite la parcelle dite Le Pâtis du Moulin.
  
L’étang est approvisionné par de nombreux petits ruisseaux qui prennent leurs sources dans la forêt. En amont, l’Etang de La Charrière Marqué et les marécages constituent une réserve d’eau importante. L’Etang de Boutavent, qui occupe hors marais une superficie d’environ cinq hectares, permettait de stocker l’eau nécessaire pour garantir un débit d’eau suffisant pour assurer le fonctionnement du moulin pendant toutes les périodes de l’année.

 

2 Un site défensif des époques antérieures à l’écart des grands itinéraires antiques

   Cette forteresse médiévale a vraisemblablement été bâtie en un lieu qui constituait depuis longtemps une place forte. C’est ce que suggère la toponymie locale, avec Le Bout en contrebas et Boutavent pour l’éperon rocheux duquel on boutait l’ennemi, Le Chatel pour le promontoire adjacent.
   Seules des fouilles d’envergure permettraient de reconstituer la chronologie de l’occupation des lieux, de la période gauloise avant l’arrivée des romains jusqu’à l’époque médiévale. À l’heure actuelle, on ne peut cependant qu’émettre des hypothèses en resituant le site dans son environnement géographique et dans le contexte historique des temps anciens.

2.1 Situation historique

   Il est souvent écrit que le Château de Boutavent était une résidence du Roi Breton Judicaël. La configuration des lieux était effectivement propice dans un contexte historique où les populations devaient se réfugier loin des villes et des grands chemins, pour échapper aux invasions et aux bandes de pillards. Si l’histoire n’a pas conservé de documents écrits, le légendaire suggère l’existence d’une activité culturelle importante transmise oralement depuis le Haut Moyen Âge.

2.1.1 Un territoire situé à l’écart des grandes routes antiques

   La forêt de Brocéliande se situe à l’écart des grandes voies romaines rectilignes qui permettaient de relier les capitales des cités.
   La grande route qui reliait la vallée de La Loire à La Manche passait à l’est sur les hauteurs de Trévit pour franchir Le Meu entre Iffendic et Montfort.
   La voie de Rennes à Carhaix cheminait d’Est en Ouest au nord du bourg d’Iffendic. Elle rencontrait la précédente sans doute au VaI-de-l’IsIe avant de franchir la rivière. La situation d’Iffendic à proximité de ce carrefour explique la prospérité de cette cité au début de l’ère chrétienne.
Les autres voies qui rejoignaient la capitale des Vénètes, Vannes, sont à rechercher an Sud du massif forestier depuis Rennes, à l’Ouest depuis Corseul.

2.1.2 Un site défensif gaulois?

   Certains auteurs voient dans le site de Boutavent et ses abords un site défensif gaulois qui pourrait être largement antérieur à l’arrivée des romains. Un auteur local, Jean Côme Damien Poignand, cite, dans un ouvrage publié en 1835, les propos extraits des Commentaires de La Guerre des Gaules de Jules César : les Gaulois avaient des places dispersées dans des vallons inconnus, au milieu de forêts et d’impraticables marais, où l’on pouvait se diriger que par des routes incommodes et incertaines, s’exposant à des embuscades...
   Quoi qu’il en soit, la configuration des lieux et la nature du terrain font de cette zone un lieu potentiel de repli dans les périodes troubles de l’histoire.

2.2 Environnement géographique

   La présence d’une roche très dure qui s’altère peu a donné un relief particulier avec des cuvettes marécageuses sur les hauteurs et des petites vallées très encaissées. Il suffisait alors de construire quelques petites digues ou de dresser quelques obstacles pour se protéger contre d’éventuels envahisseurs.

2.2.1 Les étangs

   La position de nombreux étangs, dont plusieurs furent asséchés seulement au siècle dernier, permet de supposer qu’ils avaient été édifiés pour protéger un territoire centré sur l’antique place forte de Boutavent.
L’obstacle principal était l’Étang de Careil, d’une superficie de quelque 150 hectares, et dont les eaux recouvraient l’actuelle route de Plélan sur près de deux kilomètres. L’autre route actuelle de Monterfil était quant à elle recouverte par les eaux de l’Étang de l’Aune.
   L’arrivée par Rennes était protégée par une véritable ceinture d’étangs, dont certains en grappes dans les petites vallées :          Le Casse et Le Refoul, Trémelin puis Penhouët à proximité de Boutavent.

2.2.2 La forêt

   Les zones marécageuses nombreuses constituaient d’autres obstacles dans une forêt où les anciens chemins sont rares et les routes actuelles largement surélevées pour franchir de petits vallons où l’eau stagne.
En d’autres endroits, des vallées taillées dans le schiste présentent d’importants dénivelés qui atteignent souvent la cinquantaine de mètres, comme La Chambre au Loup.
    Ces parois rocheuses, appelées montagnes dans les textes anciens, constituaient des barrières difficilement franchissables. Les vallées de Careil et de Roveny constituaient de ce point de vue une première protection efficace, boisée dans sa partie inférieure sur les zones de contact géologiques. Le toponyme La Croix du Paradis, sur les hauteurs de la route antique, n’indiquerait-il pas au voyageur que les principales difficultés étaient franchies?

 

3 Un ensemble mégalithique complexe des temps préhistoriques

   En s’éloignant de l’ancien château vers le sud dans l’actuelle forêt, à un kilomètre environ de la digue de l’étang, en limite de la commune de Saint-Péran, on découvre de l’autre côté de la route actuelle un groupe mégalithique important qui nous renvoie quatre à six mille ans en arrière.

3.1 Menhirs et dolmens

   Le groupe mégalithique se situe dans une clairière envahie par les fougères, dans un rectangle d’environ cinquante mètres de long et dix mètres de large, orienté d’ouest en est. Les blocs de pierres taillés dans le poudingue de Montfort sont des menhirs et des dalles épaisses, peut-être d’anciens dolmens.
   Si l’histoire de ces monuments préhistoriques est semblable à celle des autres mégalithes de la forêt de Brocéliande, ils témoigneraient de deux époques: érigés il y a quelque six mille ans, ils auraient été réutilisés pendant le second millénaire avant notre ère, pour édifier les sépultures de grands personnages de l’âge de bronze. Pillés depuis les temps les plus reculés pour rechercher des parures funéraires ou d’hypothétiques trésors, ils sont néanmoins parvenus jusqu’à nous dans cet état chaotique.

3.1.1 Un grand menhir bien droit et deux autres renversés

Le plus gros bloc est un menhir bien droit, de 6.35 mètres de circon­férence, 2.80 mètres de hauteur et 1.85 mètre de largeur au dessus du sol forestier. Il est bordé de deux autres grands menhirs renversés, respectivement de 2.90 et 2.60 mètres de hauteur.
Ce groupe se situe au point le plus haut à l’est et domine les autres groupes de taille plus réduite.

3.1.2 Des petits groupes de mégalithes renversés

   Un premier examen de surface permet de distinguer cinq groupes de trois mégalithes, parfois proches. Des morceaux de poudingue affleurent parfois et la végétation, réduite à des fougères, laisse supposer qu’ils reposent sur le schiste rouge localement très dur et qui affleure un peu plus loin.
   Ces mégalithes évoquent des tombes néolithiques, avec des blocs d’environ deux mètres de longueur et un mètre et demi de largeur, pour une épaisseur de cinquante à soixante dix centimètres. Ils ont été déplacés, comme tous les monuments mégalithiques de la région.
   Plusieurs grandes entailles irrégulières semblent correspondre à des essais de taille pour débiter ces dalles mais l’opération aurait échoué. En effet, la roche est un conglomérat chaotique qui ne présente aucun plan de clivage, ce qui rend son utilisation extrêmement difficile pour la construction.

3.2 Des mégalithes en provenance du fond de la vallée de Boutavent

   Situés en partie haute dans une zone où affleure un schiste dur très com­pact, ces mégalithes proviennent d’un autre site proche. Le poudingue de Montfort est à rechercher sur la discordance géologique avec le socle brio­vérien. La zone de contact est souvent caractérisée par la présence d’arbres tourmentés mais bien verts, qui installent leurs racines entre les blocs et dans les grandes fissures et puisent l’eau présente entre les couches géologiques.
   C’est un kilomètre au nord, et une vingtaine de mètres plus bas, dans la parcelle dite La Grande Haute Roche, dans un petit bosquet de chênes qui domine la digue de l’étang, que l’on trouve des excavations conséquentes au fond desquelles gisent de nombreux blocs de poudingue.
   On devine la technique d’extraction là où les grands blocs se chevauchent. Le front de coupe est une grande fissure dans laquelle s’est installé un chêne.

 

4 Conclusion

   Boutavent est un site exceptionnel. L’existence de ce patrimoine historique et archéologique était, ces dernières années, oubliée au point de ne pas apparaître sur les cartes IGN et d’être ignorée dans la promotion du Pays de Brocéliande.
   Mais le fait de faire connaître un site a aussi pour conséquence d’entraîner des dégradations, voire des fouilles clandestines, dans un secteur isolé, chez des propriétaires privés qui ne sont pas sur place. En effet, les chasseurs de trésors qui sévissent depuis des millénaires sont toujours présents sous d’autres auspices et avec des moyens modernes de détection.
   Si les sépultures de l’âge de bronze ont depuis longtemps été visitées, quelques initiatives malheureuses peuvent aujourd’hui encore conduire à détruire le mobilier ou les structures dans lesquelles est inscrite la chronologie du lieu.
   Quant à l’ancien château, il a sans doute conservé, sur près d’un hec­tare de superficie, parfois sous des dizaines de mètres d’éboulis, les traces des occupations successives de ce site défensif, peut-être jusqu’à l’époque des oppidum gaulois. Ces centaines de milliers de mètres cubes de matériaux, dans lesquels se faufilent les racines et vit tranquille une faune souterraine, constituent vraisemblablement une vaste bibliothèque de connaissances, conservée jusqu’à nos jours mais aujourd’hui menacée si aucune mesure de protection et de surveillance n’est prise.

Par Jean-Claude POUPA

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